Guerre M23: La société civile du Nord-Kivu apprécie différemment la prolongation de la trêve humanitaire.

Depuis le 5 juillet dernier, la trêve humanitaire de deux semaines a été prolongée de 15 jours supplémentaires à partir de ce vendredi 19 juillet 2024. D’un commun accord entre les autorités de Kinshasa (RDC) et de Kigali (Rwanda), la prolongation a été décidée, sur proposition et approbation des États-Unis d’Amérique. Cette mesure est refusée par la société civile de Bweremana, dans le territoire de Masisi (Nord-Kivu). La ville de Bweremana a été le théâtre de la violation de cette mesure par la coalition M23/RDF en lançant des bombes sur des zones habitées par des civils, entraînant la mort d’au moins sept personnes et de nombreux blessés cette semaine. Selon la Société civile, cette trêve favorise un renforcement supplémentaire des rebelles du M23.

Le président de la société civile de Bweremana, Flory Musanganya, souligne également l’importance d’établir un chemin humanitaire qui relierait Sake à Minova, en passant par Bweremana, afin de permettre aux humanitaires d’accéder aux déplacés de guerre qui vivent dans la précarité dans cette région du pays.

« On ne sait pas quel est le résultat des 14 premiers jours de cette trêve humanitaire ». Qu’est-ce que ça a apporté aux populations déplacées ? Depuis qu’on a décrété la trêve humanitaire, on n’a pas vu quoi que ce soit. Il nous a été dit que c’est une façon pour les humanitaires de pouvoir approcher les déplacés, mais jusqu’à présent, du côté Masisi, on n’a pas reçu même une cuillère de haricots en terme d’assistance humanitaire. Nous avons d’ailleurs sollicité qu’on ouvre un couloir humanitaire sur l’axe Sake-Bweremana-Minova pour permettre aux humanitaires d’accéder aux différents sites des déplacés, mais rien n’a été fait. Au contraire, au lieu que les actions soient visibles, on a été surpris par des bombardements. Le M23 se mettait à attaquer des positions des FARDC et des Wazalendo. Pour nous, la lecture que nous faisons est que ce renouvellement est une façon de permettre aux rebelles de se renforcer davantage pour s’apprendre à la population. En tout cas, c’est une mesure qui n’arrange pas la population. « Cette mesure n’engage que le gouvernement et les États-Unis », a dit Flory Musanganya, président de la société civile de Bweremana.

Il est suggéré par la société civile de cette ville que les rebelles puissent se retirer des zones qu’ils ont occupées, car elles sont réservées à la population pour la survie.

« Ils doivent rentrer d’où ils sont venus ». On ne comprend pas pourquoi, pendant qu’on nous trompe qu’on veut assister les déplacés, c’est le temps de bombarder cette même population. C’est donc, pour nous, une contradiction qui ne dit pas son nom. Nous disons Non au prolongement de la trêve pour 15 jours parce que nous n’avons plus besoin de continuer à mourir. Qu’on nous dise clairement si la trêve humanitaire signifie autre chose. Si ça ouvre la voie au dialogue, tant mieux. Qu’on sache qu’on est en train d’évoluer vers l’achèvement de ces atrocités.

Quant à la société civile de Rutshuru, qui est également en grande partie occupée par le M23, on affirme qu’il n’y a rien à attendre de ces 15 jours de prolongation de la trêve humanitaire. Plusieurs milliers de personnes déplacées de guerre en provenance de ce territoire vivent dans la pauvreté, partout dans leurs zones de refuge, non seulement à Goma et ses environs, mais également dans la partie nord de la province, dans le territoire de Lubero. De nombreuses personnes ont d’ailleurs été étonnées de l’arrivée des rebelles du M23 dans leurs zones de refuge, comme c’est le cas à Kanyabayonga et Kirumba. Plusieurs déplacés ont été amenés à retourner dans leurs environnements d’origine en raison de cette avancée des rebelles, malgré la présence du M23.

« Il faut déplorer le fait que pendant cette trêve humanitaire, nous avons constaté que du côté du M23/RDF, ils ont beaucoup plus renforcé leurs rangs. » Il y a eu des camions remplis de militaires et de munitions qui ont traversé dans le Rutshuru et dans le Nyiragongo pour aller renforcer le M23. Mais aussi, nous avons constaté qu’il y a eu des affrontements au niveau de Bweremana et d’autres à Lubero. Cette situation a montré que la trêve humanitaire n’a rien donné de positif, comme on s’y attendait. Mais aussi, du côté humanitaire, nous n’avons pas vu les déplacés en train d’être assistés. Plusieurs familles ont perdu les leurs suite à la famine, au non accès aux soins de santé, à l’eau potable et à plusieurs autres difficultés que les organisations humanitaires n’arrivent pas à décanter. « Nous pensons que le gouvernement congolais ne doit pas se laisser emporter par les décisions du gouvernement américain, mais plutôt se concentrer sur la vraie problématique et envisager la vraie solution à cette crise, qui est à mon avis », a déploré pour sa part Nguka Patrick, coordinateur de l’ONG Badilika, œuvrant à Rutshuru mais aujourd’hui en déplacement à Goma.

De son côté, Goma, qui a également accueilli de nombreux déplacés de guerre, n’est pas favorable à la prolongation de la trêve humanitaire. Le secrétaire de la Société civile de Goma, Vicar Batundi, s’exprime :

« La trêve serait une excellente mesure si elle avait prévu des sanctions contre toute personne qui la violerait ». Nous ne voyons pas la différence avec d’autres décisions précédentes, aucune plus-value parce que les rebelles ne l’ont pas respecté. Au contraire, ça aurait servi aux pays agresseurs. Avant la trêve et pendant la trêve, c’est comme le revers d’une médaille. Le Gouvernement congolais devait profiter de cette trêve pour renforcer les militaires et la logistique dans les zones opérationnelles. La ville de Goma a été le théâtre des assassinats ciblés et des crépitements de balles avec comme conséquence le traumatisme de la population et surtout des déplacés internes qui demeurent victimes dans les camps.

Après que les rebelles du M23 soutenus par Kigali ont lancé des bombes qui ont tué au moins sept personnes cette semaine dans la cité de Bweremana (territoire de Masisi), Kinshasa a condamné le non-respect de la trêve humanitaire par les rebelles du M23. Dans le communiqué publié le mercredi 17 juillet 2024, les États-Unis annoncent une prolongation de 15 jours supplémentaires de la trêve humanitaire dans la province du Nord-Kivu. Ils affirment que les États-Unis surveillent attentivement ces accusations de violation de la trêve. La trêve humanitaire sera prolongée jusqu’au 3 août prochain.

Entre-temps, la rébellion du M23 exerce un contrôle sur près d’une centaine de villages dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo, Masisi et a pris quelques agglomérations du territoire de Lubero depuis la fin juin. Dans toutes ces entités, les rebelles ont mis en place une nouvelle administration placée sous la direction de leurs dirigeants. Dans les territoires de Rutshuru, Masisi, Nyiragongo et Lubero, dans la province du Nord-Kivu, l’armée rwandaise et le M23 occupent 87 villages, selon le mouvement citoyen Lucha.

 

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