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Nous n’avons pas besoin d’ouvrir des mines en Europe

by Zionews

L’Union européenne voit dans la production domestique de métaux précieux un impératif stratégique. Pour notre chroniqueuse, il s’agit d’une fuite en avant vaine et polluante d’un monde qui refuse toute alternative.

DonChronique — Mines et Gaz de schisteNous n’avons pas besoin d’ouvrir des mines en EuropeNous n’avons pas besoin d’ouvrir des mines en EuropeLa mine de cuivre et molybdène de Kajaran, en Arménie. – CC BY-SA 4.0 / Serouj (courtesy of Pan-Armenian Environmental Front) /Wikimedia CommonsPar Celia Izoard25 octobre 2022 à 07h42, Mis à jour le 25 octobre 2022 à 18h41Durée de lecture : 8 minutes L’Union européenne voit dans la production domestique de métaux précieux un impératif stratégique. Pour notre chroniqueuse, il s’agit d’une fuite en avant vaine et polluante d’un monde qui refuse toute alternative.Le récent discours prononcé à Prague par le vice-président de la Commission européenne chargé de la prospective vaut le détour. Écoutons-le, ne serait-ce que parce qu’il cite Margaret Thatcher, ce qui n’est jamais bon signe. « Il n’y a pas d’alternative », a ainsi martelé Maroš Šefčovič le 12 septembre lors de la conférence européenne sur la sécurité des matières premières : il faut de toute urgence ouvrir des mines en Europe. Pourquoi ? « Pour construire l’économie décarbonée et numérique à laquelle nous aspirons tous », et pour assurer nos « capacités de défense militaire ».L’Europe devrait sécuriser son « autonomie stratégique » face aux monopoles chinois sur les métaux et à une production minière russe en pleine expansion du fait de son influence grandissante en Afrique. Pour ce faire, la Commission prépare un projet de loi sur les métaux critiques. Mais il faudra convaincre les populations d’accepter ce boom minier européen sur leurs territoires. Comme l’a expliqué le vice-président, le sujet est « socialement sensible » et nécessite « un nouveau contrat social autour des matières premières »

Nous n'avons pas besoin d'ouvrir des mines en Europe

   

L’Union européenne voit dans la production domestique de métaux précieux un impératif stratégique. Pour notre chroniqueuse, il s’agit d’une fuite en avant vaine et polluante d’un monde qui refuse toute alternative.

Le récent discours prononcé à Prague par le vice-président de la Commission européenne chargé de la prospective vaut le détour. Écoutons-le, ne serait-ce que parce qu’il cite Margaret Thatcher, ce qui n’est jamais bon signe. « Il n’y a pas d’alternative », a ainsi martelé Maroš Šefčovič le 12 septembre lors de la conférence européenne sur la sécurité des matières premières : il faut de toute urgence ouvrir des mines en Europe. Pourquoi « Pour construire l’économie décarbonée et numérique à laquelle nous aspirons tous », et pour assurer nos « capacités de défense militaire ».

L’Europe devrait sécuriser son « autonomie stratégique » face aux monopoles chinois sur les métaux et à une production minière russe en pleine expansion du fait de son influence grandissante en Afrique. Pour ce faire, la Commission prépare un projet de loi sur les métaux critiques. Mais il faudra convaincre les populations d’accepter ce boom minier européen sur leurs territoires. Comme l’a expliqué le vice-président, le sujet est « socialement sensible » et nécessite « un nouveau contrat social autour des matières premières ».La mine de lithium du Salar de Uyuni, en Bolivie. L’Europe n’en produit quasiment pas, malgré les gisements existants et une demande en forte augmentation. BY-SA 2.0 / Coordenação-Geral de Observação da Terra/INPE / Flickr via Wikimedia Commons

« Un nouveau contrat social autour des matières premières », voilà qui paraît hautement nécessaire, en effet. Car les projets industriels dans lesquels nous ont embarqué nos dirigeants reposent tous sur une multiplication fulgurante de la demande en métaux. La production en masse de véhicules électriques personnels, par exemple. Une équipe de recherche du National Science Museum a calculé que pour convertir à l’électrique tout le parc de véhicules de l’Angleterre, il faudrait l’équivalent de deux fois la production mondiale actuelle de cobalt, les trois quarts de la production mondiale de lithium, et la moitié de la production mondiale de cuivre.

Impasses

Les écoliers pourraient résoudre le problème suivant : « À partir de ces chiffres, indiquez combien de fois la production mondiale de cobalt, de lithium et de cuivre sera nécessaire pour produire suffisamment de batteries pour l’ensemble du parc de véhicules européen ? Sachant que le parc de véhicules européen ne représente qu’un tantième du parc mondial, ce projet est-il viable ? » Non, répondraient probablement les écoliers, il faudrait plutôt renoncer à une grande partie de nos véhicules pour lutter contre le réchauffement climatique.

On aboutit à ce même genre d’impasse si l’on prétend extraire des métaux pour obtenir suffisamment d’énergies renouvelables, non pas pour faire tourner nos dix ampoules, le frigo et la pompe du jardin, mais pour produire en masse de l’hydrogène vert pour alimenter des usines d’engrais, des cimenteries et des millions de camions de livraison. Non pas pour éclairer l’école et faire tourner l’hôpital, mais pour faire fonctionner la 5G et produire des milliards d’objets connectés.

Ce à quoi nous aspirons tous ?

Car, selon Maroš Šefčovič, il faudrait accepter ce boom minier européen pour construire « l’économie numérique à laquelle nous aspirons tous ». De fait, le secteur numérique est celui qui consomme la plus grande variété de métaux, dont les terres rares et autres métaux de spécialité utilisés pour doper les propriétés des appareils. Les équipements électriques et électroniques engloutissent chaque année trois millions de tonnes de cuivre et la moitié de l’argent métal produit dans le monde. La moitié de la production mondiale de tantale est utilisée pour produire des condensateurs, la fibre optique nécessite près d’un tiers de la production mondiale de germanium, etc.

L’économie numérique «  à laquelle nous aspirons tous » ? Il paraît urgent au contraire de se demander qui aspire à quoi. Car à l’évidence, ce ne sont pas les serveurs de Wikipédia qui font exploser la demande en énergie et en métaux du numérique. En revanche, le pilotage de la santé, de l’éducation ou de l’aide sociale par l’intelligence artificielle répond-il à une aspiration profonde ? Les parents ont-ils demandé à lutter chaque jour contre l’emprise de la i en ligne et on d’Instagram pour éduquer leurs enfants ? Combien de data centers, de milliers de serveurs et de tonnes de métaux supplémentaires seront nécessaires pour qu’on puisse accéder aux frissons du porno sur le métavers ? La Déclaration de Versailles adoptée par les chefs d’État européens en mars 2022 place d’ores et déjà la future 6G au rang des « technologies-clés ». Est-ce vraiment « ce à quoi nous aspirons tous », alors que la Convention citoyenne pour le climat avait exigé en vain un moratoire sur la 5G ?

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